L’enclos
Généralités
La chapelle de Saint Jaoua se trouve sur un vaste placître verdoyant qui lui va à ravir. A cette construction solide et gracieuse, les formes des différentes essences d’arbres, les vieilles croix aux fûts penchés, les piliers revêtus de lichens blancs et gris, les pierres tombales brodées de mousses, lui font le plus seyant des écrins.
Nous sommes ici face à un véritable enclos paroissial de Basse Bretagne comprenant:
- un espace (ancien cimetière) entouré d’un muret
- l’entrée soignée voire triomphale
- l’ossuaire
- le calvaire
- l’église ou chapelle
- la sacristie accolée au chevet
Le grand jour de l’enclos est le jour du Pardon, jour qui est à la fois une fête religieuse et spirituelle, un espace de prière, de pardon donné et reçu et une fête profane: l’assemblée d’une population, l’affirmation de l’identité de la communauté, l’entraide et la vie associative vécues dans la joie.
Ce jour-là toute la paroisse se réunit et les paroisses voisines participent avec leurs bannières et leurs croix enrubannées.
L’enclos a une signification communautaire: c’est là que se prenaient les repas du Pardon, avec tous les membres de la communauté; c’est là que se tenait l’assemblée où les femmes ont leur place, le droit à la parole et au vote au même titre que les autres membres.
Muret, croix, calvaires et pierres du placitre
A l’époque de la construction de la chapelle actuelle, l’enclos n’accueillait probablement pas de sépultures. Le sol était occupé par l’herbe et les arbres dont la vente procurait un revenu pour la « Fabrique ». Les inhumations se faisaient à l’époque dans la chapelle, les places les plus proches de l’autel étant les plus recherchées. Cependant en 1719, par souci de salubrité, le Parlement de Bretagne interdit les inhumations dans les chapelles et églises. A partir de cette époque, le muret de l’enclos protégeait de la divagation des animaux dans le champ des sépultures.
Les croix sont de formes et dates diverses.
Les croix des 4 piliers de l’entrée principale de l’enclos:
Les couronnements hémisphériques des piliers de cette entrée orientale du placître ressemblent étrangement à des stèles basses de l’âge de fer (500 ans avant J.C.), utilisées ici pour un usage différent de leur destination première, ils sont surmontés d’une croix.. Les quatre piliers sont reliés deux par deux par une dalle granitique, posée sur le chant, appelée « ar bazenn » (le pas ou encore « porte des vivants ») destinée à protéger l’enclos de l’intrusion des animaux. Seul un passage entre les piliers du centre permet d’accéder facilement au placître. Cette porte cochère était réservée aux cortèges funèbres et aux processions festives.
Plus à l’ouest, une croix plus récente en kersanton du XIII°
Elle montre sur sa face ouest un Christ, d’un travail soigné et sur l’autre face u
ne vierge à l’enfant, fine et jolie, tenant une pomme dans sa main.
Hauteur: 4,70 m
Largeur de la base: 2,40 m
Croix: branches ronds, base tronconique, fût à pans, nœud
Crucifix: pieds en rotation externe
Peut être influence de Tournai par la commande de Jean IV à Runen (1381-1399)
Tout à côté, deux pierres tombales de 1817 et 1819
Elles rapellent la mémoire d’Arnaud Largeteau et de Gabrielle Duvergé, son épouse, du manoir du Mézou: « ci-gît Arnaud LARGETEAU, propriétaire, décédé le 1er mai 1817 âgé de 7? ans »
Nota: Les registres d’acte de décès de Plouvien mentionnent le décès de M. Largeteau, (né à Libourne, fils de Jean Largeteau, notaire royal et de Marie Despujols), à l’âge de 78 ans. Le 10 juin 1819, décédait son épouse Gabrielle Duverger (née à Brest et fille de Nicolas Duverger et Magdelainre Jézéquel) à l’âge de 74 ans. En 1813, l’abbé Bernicot, curé de Plouvien réagissait à une enquête (suite à un décret impérial) : il mentionnait le souhait de M. Largeteau de conserver la jouissance de célébrer les Saints Mystères dans son oratoire privé, privilège accordé par l’évêque vers 1805.
La pierre cylindrique dressée au milieu de l’enclos
Cette pierre dite « lec’h », ainsi qu’une pierre analogue posée à gauche de l’entrée méridionale posent bien des questions: la forme, la mouluration sobre fait penser à des vestiges gallo-romains (55 av. J.C.) ou à la réutilisation d’une colonne de l’église romane (comme cette autre pierre dans la chapelle, retrouvée dans le mur de l’enclos). Retournées, elles pourraient avoir soutenu la charpente de l’église romane,……..
Côté sud, une croix du Moyen Age
Soubassement de 2 degrés.
Le socle oblong de profil fruste qui supporte cette croix fait penser à une dalle funéraire sans âge qui pourrait avoir recouvert une sépulture très ancienne.
Croix: monolithique à pans, branches pattées.
Hauteur: 3,70 m.
Enfin à l’entrée sud du placître: une croix du XVI° siècle
Fût: à pans (octogonal), nœud, calice
Croix: branches rondes, crucifix
Le Christ regarde vers l’ouest comme dans beaucoup de calvaires bretons. Un calice est gravé sous ses pieds ce qui semble indiquer qu’un prêtre aurait pu le faire ériger.
Le fût mesure 2,37 m et il est surélevé de 1,32 m.
Table d’offrande de Pors Ar Groas
Sur la route de Bourg-Blanc, à 500 m environ, on observe un curieux monument de 1,40 m et datant du Moyen Age: la charrette qui conduisait la dépouille mortelle de Jaoua se serait cassée à cet endroit..
Une croix à chaque extrémité de la table: l’une pattée avec gravures circulaires, l’autre de section octogonale et et posée sur stèle.
Ossuaire
Le sol de la chapelle offrant un espace assez restreint, les ossements retirés du sol
lors de nouvelles inhumations, sont déposés dans un ossuaire encore appelé reliquaire ou charnier.
L’ossuaire est ici de style gothique, avec huit arcades; il est adossé au côté sud de la nef et appartient à la masse même de l’édifice.
C’est une disposition que l’on retrouve ailleurs en Bretagne à partir du XVème siècle: à St Jean du Doigt (29), Sainte Melaine de Morlaix (29), Kergrist-Moëllou (22)
Clocher
C’est sur un arc imposant, séparant la nef du transept, que le clocher de la chapelle repose. Sa silhouette se distingue par deux baies à jour géminées et d’une troisième plus petite au-dessus. Dans son architecture et par sa position dans l’édifice, c’est un clocher assez proche du « clocher-mur »: un pignon surélevé en une sorte de fronton percé d’une ou plusieurs baies renfermant les cloches.
Actuellement, une seule cloche à St Jaoua, dédiée à St Pierre, elle provient sans doute de l’église paroissiale de Plouvien.
La chapelle est un édifice un peu écrasé au sol, et l’on touche de la main les ardoises du toit le long des murs: l’accès au clocher, par les marches agencées sur les rampants du toit, n’en est que plus facile.
Ce type de construction n’est pas rare: Chapelle Saint Vio en Tréguennec (29), Notre Dame de Tréminou en Plomeur (29)
Inscription sur la cloche:
« j’ai été fondue à Brest en octobre 1814 du temps de Messire Jacques Bernicot curé de
la paroisse de Plouvien. Dédiée à Saint Pierre; Parrain et marraine ont été Monsieur Joseph Mathy-Bizet et dame Anna Christine de Coataudon.
Monsieur François Madec, maire, monsieur Joseph Floc’h (Kounneegtter: mots ou lettres non déchiffrées) marguiller, trésorier en exercice. »
La chapelle
Le plan de la chapelle
Reliée au paysage naturel par une plantation de châtaigniers, de chênes et séparée de l’espace profane par un placître, la chapelle de Saint Jaoua se présente comme un bâtiment court et bas, érigé dans un granit sombre. S’il est impossible de déterminer la provenance de cette pierre, il ne parait pas incongru d’imaginer le charrois des paroissiens, réquisitionnés par le Conseil de Fabrique. Ils pouvaient transporter la pierre extraite d’une des carrières que comptaient la paroisse de Plouvien qui, à l’époque comprenaient la trêve de Bourg-Blanc et de Loc-Brévalaire.
La chapelle est un édifice en forme de croix latine, quelque peu irrégulière, sur laquelle se greffent sur la partie méridionale un porche et au nord-est une sacristie entre les croisillons nord et sud et le chœur est fermé d’un chemin plat.
A l’est de la nef, terminé par l’arc qui supporte le clocher central, se développe le transept. Chaque croisillon est ajouré de deux vitraux.
Une chapelle qui s’inscrit dans un contexte architectural rural breton où l’effort est principalement porté sur le sanctuaire.
Pas de bas-côté, une nef assez fruste et obscure; une grande fenêtre éclaire le vaisseau central.et un chœur de faible profondeur accentuant le mouvement unificateur de l’intérieur.
Les murs intérieurs auraient été chaulés au XVIII° siècle lors d’une épidémie de peste, recouvrant des fresques murales antérieures.
- les crédences du chœur et du croisillon sud
- une poutre de gloire dans le transept sud
les petites figures jalonnant les sablières des bras du transept
- des fresques dans le bras nord
- une dalle funéraire
- une meurtrière pour suivre l’office à l’extérieur
- le gisant de St Jaoua
- l’armoire de la fabrique, actuellement dans la nef. Elle abritait jadis, les archives de la paroisse, les titres de propriété, les actes de fondation, l’argenterie, l’argent. Elle était fermée par trois serrures différentes dont les clés étaient remises à trois personnes différentes de la « fabrique ». Cette armoire était dans la sacristie.
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Les statues
St Jaoua et St Michel du XVIIIème , St Goulven et Vierge à l’enfant du XVème sont en bois polychrome.
St Luc (XII ème) et Ste Catherine d’Alexandrie (XVème ou XVI ème) sont en pierre polychrome
St Laurent (XXème) est en bois d’if sculpté par JL Le ROUX artiste local né à Plouvien.
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Le soubassement en pierre de kersanton est décoré en son pourtour d’arcades gothiques soutenues paar de petites colonnes. Il ménage un étroit passage allant d’une extrémité à l’autre du monument funéraire.

Un animal (chien, cochon?) est couché ses pieds. Sa tête repose sur un coussin tenu par deux petits anges.
Sur les bords sud de la la table, on lit facilementune inscription en caractères gothiques: « S. Joevin, epus. leonensis, fuit huic. Sepultus », soit: « Saint Joevin Evêque de Léon,fut ici enseveli. »
Une question relative à ce tombeau est restée sans réponse: le couvercle du sarcophage est profondément entaillé pour une raison mystéreuse; le Chanoine Abgrall, qui y a fait des fouilles au début du 20ème siècle, suggérait la réutilisation d’une stèle pré-chrétienne, remontant à une lointaine époque.
Le porche, accès majeur de la chapelle, est un élément indispensable des églises et chapelles bretonnes. C’est le lieu de rencontre, avant et après la messe, où l’on discute des questions du jour, assis sur les bancs de pierre. C’est en quelque sorte une salleoù le « général » de la paroisse, constitué des notables et présidé par le curé, délibère des affaires internes de la communauté paroissiale.
Le porche est percé dans un pignon épaulé par deux contreforts. Un pinacle à fleuron gothique couronne chaque contrefort. Cinq minuscules et légers festons bordent chacun des deux rampants, réunis par un troisième feston. Au-dessus était la statue de St Laurent, aux pieds duquel se trouvait une dame de Kéraliou, donatrice, ainsi que son blason.
- St Mathieu à droite en entrant
- St Luc, à gauche en entrant
- St Marc, à gauche au fond
- St Jean, à droite au fond (avec date MDLXIX, soit 1569)
Chaque statue est surmontée d’un blochet sculpté d’une figure anthropomorphe, présentant l’apôtre qu’il domine. Les évangélistes sont reliés deux à deux, latéralement, par une sablière sur laquelle sont figés des décors faits de volutes entrelacées et de figures humaines. Malheureusement, il ne reste plus rien de la polychromie qui colorait ces ensembles de bois.
En Bretagne, le nombre quatre est manifesté dans l’art à dominante chrétienne sous la forme des quatre évangélistes qualifiés de Fevar Post Ar Bed (les quatre piliers du monde).
Ils sont souvent dans les quatre directions de l’espace. A la chapelle St Jaoua, ils soutiennent la voûte du porche sud, des quatre coins où ils sont placés.
La fontaine

Au fond, on aperçoit un petit autel soutenu par un piédouche à volutes sur lequel on peut poser une nappe pour les offrandes ou un bouquet de fleurs. Une statue de St Jaoua avec mitre et crosse, préside aux ablutions dans une niche couronnée d’un dais et surmontée d’un couronnement en demi-sphère cantonnée de quatre vases. Une décoration analogue garnit les deux pilastres du grand échalier pratiqué vers le chemin. Un autre échalier plus petit se voit sur la façade nord.
A l’intérieur, tout autour de la fontaine, court une banquette en pierre, pour prier assis ou bavarder à l’abri auprès des trois bassins de tailles
et formes différentes.
A la fontaine de St Jaoua, on venait plonger la première chemise du nourrisson afin de lui assurer une bonne santé. L’eau fait aussi disparaître les verrues. On venait également intercéder le Saint pour les ulcères.
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