Chapelle Saint-Jaoua

Pardon

Accueil » Pardon

Le pardon à Saint Jaoua

Il est traditionnellement célébré le premier dimanche de mai à Saint Jaoua.

Quand ont été célébrés les premiers pardons à Saint Jaoua ? Nous savons grâce aux recherches de Ronan Abiven (voir les inhumations à Saint Jaoua) que les premières sépultures sont intervenues dès le début du Moyen  ge en raison de la notoriété du lieu et de la célébration des Pardons. Il est vraisemblable que l’octroi de bulle d’indulgence au sanctuaire en soit à l’origine, bien que nous n’ayons pas à ce jour trouvé de traces écrites précises.
Des vertus ont été attribuées à l’eau de la fontaine : on venait plonger la première chemise du nourrisson pour lui assurer une bonne santé ; l’eau faisait disparaître les verrues et on intercédait le Saint pour les ulcères ou même faire tomber la pluie ! L’existence confirmée d’une chapelle dédiée à Notre Dame de Bonne Nouvelle dans le croisillon sud de la chapelle est le signe d’un culte marial dans le sanctuaire, comme dans la plupart des chapelles.
Le Pardon de Saint Jaoua est toujours suivi (vu par Raymond Géléoc). L’association entretient un esprit de communauté. Des bénévoles s’activent régulièrement pour entretenir le site et créer des animations au fil de l’année : travailler ensemble renforce cette cohésion. Après l’accueil à la fontaine, source de vie, la procession est ouverte par la Grande Croix et les bannières, en signe de ralliement ; puis suivent les reliques du Saint local. Elle conduit les fidèles à la chapelle où la messe est célébrée. Enfin les participants se retrouvent pour partager leurs propos autour d’un verre ou d’un café-gâteau.

Quelle est l’origine du Pardon, quel sens aujourd’hui?

Les poètes, écrivains, chanteurs, le septième art s’appuient régulièrement sur le « pardon » pour aborder l’amour et la paix sociale. Après la guerre, Didier Rimaud écrivait « Où va notre terre », plus tard, Alpha Blondy chante en mode reggae « Pardon », ou encore Ridsa en mode hip-hop/rap, et combien d’autres…..Un projet d’inscrire « les Pardons en Bretagne » à l’inventaire national immatériel du Patrimoine est bien avancé !

Le Pardon est à Saint Jaoua comme dans toutes les chapelles bretonnes, l’évènement central qui rassemble les fidèles mais aussi des chrétiens qui, sans avoir perdu la foi, n’assistent plus régulièrement aux messes hebdomadaires. Et, en effet, le pardon touche tout homme qui veut vivre et toute génération.

La notion de « pardon » est essentielle pour l’équilibre de la vie sociétale et plusieurs philosophes l’ont analysée. Dans la revue « Notre Temps » , Frédérique Odasso l’aborde au travers des quatre grandes religions et rappelle que dans le mot « pardon », il y a « don », : celui pour qui tout se vend et tout s’achète, ne peut le comprendre.

Quelle est l’origine de nos Pardons ?
Cette notion de pardon est différemment appliquée selon les civilisations et religions. Les pays d’origine celte ont conservé des traditions fortes et influencé les célébrations de Pardons en Bretagne. Ce sujet a été abordé dans des écrits fortement documentés (voir chap. 4), ceux-ci nous permettent de cerner l’évolution de ce « temps fort de l’expérience religieuse collective et individuelle » selon l’expression d’Alphonse Dupront. Les touristes en sont curieux parce qu’ils attendent la sortie des costumes locaux et l’expression d’un certain folklore, emprunté au passé de la région.
Mais ne nous trompons pas : les pardons ne sont pas des phénomènes intemporels, sujets de cartes postales, ils sont en perpétuelle évolution et sont bien vivants !

Le Pardon dans l’Église catholique

Le pardon est une exigence chrétienne et l’un des fondements de la foi : il invite à privilégier l’amour à la revanche.
Sa pratique a été codifiée dès l’époque médiévale par la papauté. Le droit de pardonner était très hiérarchisé : il se pratiquait par la confession, auprès des « ordres mendiants », du clergé séculier et des évêques.

Le droit de pardonner : dans des cas précis, le pardon ne pouvait être accordé localement et en dernier recours, le « pénitent » auteur de péché adresse une supplique à la « Pénitencerie » qui siège au Vatican. Ainsi, l’Église utilise le droit canon comme instrument rigoureux et inquisiteur, mais elle lui donne aussi une certaine souplesse par ses mesures exceptionnelles de pardon. Cette pratique a toujours cours : elle s’applique dans le secret et se clôture en interne parfois dans l’intérêt de la victime ou de l’auteur de la faute, mais aussi pour éviter les scandales et la mise en cause de l’Église : trop de casuistique et de souplesse peut mener à certains excès que l’opinion publique n’accepte plus, et aujourd’hui l’Église est contrainte de modifier ses pratiques.

Les indulgences :  L’indulgence n’est pas le pardon ; lorsque le péché est remis par le sacrement de pénitence, les indulgences visent à nous remettre de leurs conséquences, pour guérir peu à peu tout ce que le péché a blessé en nous. L’indulgence est accordée à ceux qui exercent un acte pieux ou bien contre don d’argent destiné à l’accomplissement d’une œuvre pieuse. Depuis le concile de Trente (XVIème siècle), les indulgences sont maintenues mais ne sont plus monnayables ; elles auront un rôle majeur dans la Religion au XVIIIème siècle, le siècle des Lumières et de Voltaire ! En mars 2020, la Pénitencerie apostolique accorde l’indulgence plénière aux malades du Covid-19 et aux soignants.

Le début des croisades et des pèlerinages : l’un des canons du concile de Clermont (Pape Urbain II, 1095) promet l’indulgence plénière, (remise de la pénitence imposée pour le pardon des péchés) à ceux qui partiront délivrer Jérusalem ; ce fût le début des « croisades » et des pèlerinages. Ensuite, et depuis le jubilé du Pape Boniface VIII en 1300 les pénitents pouvaient bénéficier d’indulgences lors de rassemblement de fidèles à des dates précises.Des « bulles d’indulgences », accordées à Rome et Saint Jacques de Compostelle, donnent une impulsion aux grands pèlerinages.
Pour faciliter l’octroi de ces indulgences et accroitre l’influence de l’Église romaine, des bulles seront accordées à des églises et chapelles, particulièrement en Léon et Cornouaille aux XIVème et XVème siècle : ce fut donc le début des Pardons et pèlerinages.
Les fidèles étaient convaincus que la participation aux pèlerinages et Pardons permettaient de raccourcir le temps de purgatoire promis en rémission des péchés. La communauté catholique y a trouvé aussi un intérêt, puisque les indulgences étaient accordées contre le versement de dons ou l’accomplissement d’œuvres comme par exemple la construction ou l’entretien de biens d’églises, jusqu’au concile de Trente (XVIème siècle) à l’époque de la réforme catholique.

A l’époque moderne, le pardon peut toujours être octroyé par la confession ; mais ce rite est moins pratiqué. En revanche, les rassemblements, initiés par l’octroi de bulles d’indulgence, se sont maintenus : la procession suit les bannières à l’image des déplacements militaires médiévaux, en signe de ralliement à l’autorité divine et religieuse, elle conduit les fidèles à la Chapelle. Ces Pardons à vocation pénitentielle ont évolué vers des fêtes patronales et populaires où le verre partagé d’après-messe compte autant que la foi exprimée.

Les Pardons en Bretagne du Moyen Âge à l’ère moderne

Le premier pèlerinage aurait eu lieu à Ste Anne La Palud dans le Finistère actuel, et selon la légende, dès la destruction de la ville d’Ys ! Peut-être le premier pèlerinage et pardon d’Armorique puisqu’on en trouve trace réelle au IXème siècle, avant les croisades !

Au moyen-âge, les paroisses bas-bretonnes étaient divisées en quartiers, « frairies » ou « confréries », trêves, dans lesquels les personnes se devaient aide et assistance, avec une attention particulière aux malades, veuves et « indigents », Cette organisation autour des quartiers étaient typique de la Basse-Bretagne (territoire du parler « breton »), se différenciant ainsi de la Haute Bretagne, plus marquée par une influence gallo-romaine où le centre était la paroisse. Chaque confrérie se mettait sous la protection d’un Saint des VIème ou VIIème siècle qui était supposé y avoir vécu et bâtissait une chapelle, centre spirituel du quartier. Le culte marial était aussi très présent, le nombre de confréries vouées à Marie (Rosaire, Pitié, Douleurs, Bonne Nouvelle…) s’est multiplié grâce aux bulles d’indulgences accordées, peut-être aussi en raison de culte marital persistant dans toutes civilisations et religions.

Une (ou deux) fois par an, les habitants se réunissaient pour se donner le pardon des déchirures et des affronts. C’était une fête religieuse qui commençait par une procession ouverte par la croix, les bannières et les reliques du Saint local, puis les fidèles assistaient à la messe, aux vêpres ; on faisait un feu de joie pour brûler les offenses et la journée prenait fin dans une fête populaire. Le Pardon était avant tout une fête patronale à vocation pénitentielle

Job An Irien rappelle que les Celtes célébraient leurs rites dans des clairières en lien avec la nature aux moments les plus importants de l’année ; les Romains élevaient des Temples pour protéger la statue du dieu ou de la déesse et le peuple restait à l’extérieur ; les chrétiens ont choisi un modèle d’édifice public où le peuple pouvait se rassembler.

Dans ces périodes marquées par les guerres, les nombreuses épidémies, de fortes intempéries aussi, le peuple a beaucoup souffert. Il attribuait tous les méfaits de la nature à des pénitences divines. Il a sollicité et obtenu des bulles d’indulgences qui ont permis la construction (ou reconstruction) en dur de nombreuses chapelles. Le Pardon s’est institué en tradition où il convenait d’accomplir certains rites (autour des fontaines, par exemple, considérées comme fontaines de guérison, particulièrement le jour du Pardon.). Et le lieu était la Chapelle du quartier, la date de célébration en lien avec la nature. Plus qu’ailleurs, la religion et ses pratiques ont contribué à la formation et à la transformation des communautés : les corporations qui représentent le lien entre religion et communauté à l’époque médiévale sont constituées selon des critères sociaux et de sexe ; femmes et hommes sont séparés, les nobles occupent des places distinctes, les hommes discutent aussi « affaires »…

Si la tradition des Pardons est très ancienne, et s’est appuyée sur des croyances et légendes, plusieurs faits historiques influenceront leur pratique:

  • Le sanctuaire du Folgoët doit sa renommée à Anne de Bretagne qui y vint à 4 reprises fin du XVème siècle à la suite de « miracle » attribué à Salaun ar Foll en ce lieu, et aussi en remerciement de la guérison de Louis XII.
  • Au tout début du XVIIème siècle, les chapelles connaitront une désaffection presque totale. La population prend plus de distance avec le culte. Elle reproche aux gens d’Église leur ignorance et leur cupidité ; une forme de « concurrence » néfaste entre le clergé séculier (en général choisi par la noblesse) et les ordres mendiants perturbe le message religieux. Ceci a pu être observé après les guerres de religion en plusieurs lieux, mais de manière plus nuancée vers l’Ouest, en raison de son éloignement et aussi d’une certaine proximité entre le peuple, la petite noblesse et le clergé : ceci semble avoir accru le sentiment de solidarité et modéré les tentations d’exclusion, observées ailleurs.
  • Le lancement du pèlerinage de Ste Anne d’Auray en 1625 (à la suite de la découverte « miraculeuse » d’une statue de la sainte constituera un évènement déterminant : le pèlerinage traditionnel qui comportait une partie « festif » importante devient surtout un pèlerinage de dévotion marqué par l’encadrement clérical sous l’influence de Michel Le Nobletz. Pourtant l’évêque de Vannes ne l’assuma qu’à compter de 1632 en raison des réticences d’une partie du clergé face à cet essor de la piété pèlerine, très réservé sur la réalité des « miracles » annoncés.
  • Les dernières décennies du XVIIème semblent calmes et équilibrées, entre l’attente des réformateurs (exigence de dévotion et de rupture avec les rites dits « païens ») et les partisans des pratiques coutumières. Les dévots sr déplacent moins dans les grands pèlerinages, préférant faire des offrandes à leurs paroisses ou à des confréries proches. Des rites et coutumes différentes apparaissent selon les sanctuaires : on prête des vertus particulières à chaque fontaine proche…
  • Au XVIIIème siècle, la dévotion pèlerine connaitra un regain de ferveur grâce à l’octroi d’indulgences accordées par Rome (contre actes de dévotions et non contre versement d’offrandes !). Ce siècle sera un temps fort de la transformation religieuse. Les revenus des chapelles de la Basse-Bretagne étaient devenus très importants : les évêques sont intervenus pour recentrer ces revenus autour des paroisses. Une partie des chapelles disparaitra progressivement, mais à un degré nettement moins élevé qu’en Haute-Bretagne.
  •  La sinistre loi Le Chapelier en 1791, publiée pour interdire syndicats et corporatismes de tout genre, supprime aussi le droit d’association et les confréries, elle oblige à la fermeture des chapelles
  • Le concordat entre Napoléon et le Pape Pie VII en 1801 accroit le rôle du curé (ou recteur) et tente de mettre fin aux querelles entre partisans de l’Église réfractaire et l’Église constitutionnelle.
  • La loi de séparation de l’Église et de l’État en 1905 introduit la nationalisation des églises, chapelles et des biens mobiliers : le soin des lieux en revient aux communes, les conseils de fabrique (qui géraient les biens et registres) disparaissent.
  • Parallèlement, l’émigration des populations rurales vers la ville sera à l’origine d‘une perte d’influence de la religion et d’un « désamour » des chapelles. La moitié restera en Basse-Bretagne, (Diocèses de Quimper, Saint Pol de Léon, Tréguier, Vannes) les trois quarts disparaitront en Haute-Bretagne !

La fréquentation des chapelles a connu des phases différentes dans le temps; les clivages entre Basse-Bretagne et Haute-Bretagne se sont maintenus. La population s’est appropriée le fait pèlerin et la pratique des pardons, en résistant partiellement aux tentatives de récupération des ecclésiastes. Les cérémonies sont en lien avec la nature mais elles sont nées des indulgences accordées et des « guérisons » attribuées et non des rites druidiques d’antan !

Le renouveau des Pardons à la fin du 20ème siècle

La vitalité des associations nées à la fin du vingtième siècle autour des chapelles a permis de rallumer cette flamme et justifie les Pardons d’aujourd’hui. Ces associations sont fortement marquées de culture bretonne et celtique :  au cœur de ces associations, Minihi-Levenez, association créée en 1984 par l’abbé Job an Irien à la demande de son évêque pour assurer l’expression de la foi et de la prière en langue bretonne

Si la moitié des chapelles avait disparu, des associations dynamiques ont permis d’en sauver un nombre conséquent : elles animent et font vivre les lieux, soutenues par les collectivités locales conscientes de la valeur de ce patrimoine culturel. Plusieurs édifices ont attiré l’attention des Monuments Historiques et les services d’État veillent à leur conservation.
Le Pardon d’aujourd’hui en Bretagne est issu de ce « christianisme celtique », parfois soumis, parfois frondeur : les villageois restent attachés à leur espace, quel que soit leur foi ou leur pratique religieuse.

Il se nourrit de cette habitude prise dans les quartiers, où les ruraux se réunissaient pour les grands travaux (fenaison, moisson, récolte de pommes de terre…..) ; de même, les marins et leurs familles se retrouvaient en bord de mer.
Les Pardons continuent à rassembler : ils sont des lieux et moments de rencontre, de retrouvailles, dans une société de plus en plus individualiste.
La confession ne s’y pratique plus, mais le Pardon a retrouvé ses fidèles, suscitant l’intérêt des visiteurs extérieurs à leurs communautés, en mêlant folklore, foi et surtout convivialité. Il s’est institué en tradition : sa transmission est ici un choix présent, porteur de valeurs et de symboles.

LeTro Breiz qui relie les villes des sept « Saints fondateurs » de la Bretagne depuis semble-t ‘il le IXème siècle sous forme de pèlerinage, a connu plusieurs périodes de ferveur. Il a été relancé au début du XXème siècle et vit une nouvelle phase : les motivations des marcheurs ne sont plus seulement religieuses, elles intègrent la découverte du patrimoine et de la culture, la rencontre d’autres personnes qui partagent les mêmes intérêts.

La célébration des Pardons en Bretagne s’appuie toujours sur ce désir des Bretons de « faire la fête » dans des rassemblements. Elle a évolué sous l’influence de l’institution ecclésiale, des associations de chapelle imprégnées de culture bretonne et des changements historiques.

Des druides jusqu’aux saints

(texte de René Gélébart d’après Charles de Pechpeyrou (Osservatore Romano)

La tradition millénaire des « pardons » en Bretagne
24 août 2020

Petits ou grands, en bord de mer ou dans l’arrière-pays, dans un bois ou au centre d’une bourgade, chaque été les nombreux pardons – manifestations de ferveur religieuse se déroulant chaque année en Bretagne – dépassent le millier de participants et leur offrent une expérience religieuse aux multiples facettes : fraternité, retour aux origines, convivialité, liturgie, rites de dévotions, célébrations, rencontres, tout particulièrement aux abords des nombreuses chapelles et églises, petits sanctuaires de grande valeur symbolique caractérisant cette région si riche d’un point de vue spirituel et culturel. »Le pardon è un temps fort pour l’annonce de l’Evangile – affirme le père Yves Laurent, du diocèse de Quimper et Léon, dans un long article diffusé sur le site de la Conférence épiscopale française – en tant qu’expression d’une foi joyeuse, d’ouverture et d’accueil des participants, bien plus vaste et diversifiée comparativement aux assemblées dominicales. En outre il permet de s’ancrer dans la culture de notre région et d’utiliser la langue bretonne C’est un magnifique présent de la tradition chrétienne à recevoir, conserver et faire connaître toujours plus.
Les racines des pardons sont doubles. Selon le père Michel Scouarnec, prêtre du diocèse de Saint- Brieuc et Tréguier, qui a longtemps travaillé sur ce sujet, les origines de cette tradition remontent à plus de deux mille ans, dans un contexte préchrétien et probablement druidique, à la jonction de deux événements importants : l’attachement à des lieux de culte bien précis (sites sacrés, fontaines, rochers) et la réalité socioreligieuse des clans dans la culture celte. Le culte avait souvent une dimension votive : « les personnes s’y rendaient après avoir connu une épreuve afin de remercier un dieu guérisseur, remplacé dans le monde chrétien par un saint guérisseur. Dans certains cas, aujourd’hui encore, le nom d’une église témoigne de cette hérédité : par exemple la chapelle de Notre –Dame de Manéguen, dans le diocèse de Vannes, surnommée « Notre Dame gravide » parce que l’on y pratiquait des rites de fécondité avant l’arrivée de l’ère chrétienne. Dans la même région l’on trouve la chapelle de « Notre Dame de la pureté », érigée sur un site où l’on pratiquait le culte de l’eau : dans certaines fontaines les personnes s’agenouillaient et se passaient un linge imbibé d’eau sur les yeux pour soigner des problèmes de vue.
D’ailleurs – explique le père Gérard Le Stang , chargé du grand pardon de Notre Dame du Folgoët dans le diocèse de Quimper et Léon, l’un des trois plus importants rassemblements avec celui de Sainte Anne d’Auray dans le diocèse de Vannes et celui dédié à Saint Yves, dans le diocèse de Saint Brieuc à Tréguier qui enregistrent une participation de plusieurs milliers de personnes – « certes les chapelles furent construites sur des sites préchrétiens, mais la Bretagne est une région où l’évangélisation a été constante et très forte à partir du Ve siècle avec l’arrivée de saints fondateurs depuis les îles britanniques, et encore aujourd’hui, terre de nombreuses vocations elle très imprégnée de culture catholique,».
Du reste, à partir du Moyen-Age (époque qui voit apparaître le terme « pardon ») il ne s’agit plus d’invoquer un saint pour une guérison du corps, comme dans les premiers temps, mais de demander une guérison spirituelle.
Aujourd’hui, au niveau diocésain, les pardons durent au moins deux jours, d’autres se déroulent dans un seul village mais la majorité sont des rassemblements “ de chapelle” La plus grande partie des petites assemblées au milieu de la campagne se déroulent dans une chapelle édifiée aux abords d’une fontaine, compte tenu des nombreuses sources d’eau en Bretagne » commente pour notre journal le père Jean-Yves Le Guével, curé de Baud et responsable du pardon, dans le diocèse de Vannes, où il est chargé de la pastorale, du tourisme et de l’art sacré. « En général la procession commence autour de l’eau du baptême, puis elle se dirige vers l’église accompagnée de bannières et de chants en langue bretonne dédiés au saint patron de la chapelle. Elle est suivie d’une Eucharistie qui parfois se conclut par une bénédiction des enfants. Au terme de la journée un repas de fête en fin d’après-midi rassemble jusqu’au millier de personnes. L’organisation en est confiée à un comité spécial ou à un organisme corporatif comme celui des pompiers
Durant l’été les chapelles sont gérées par un comité spécial, créé dans la plupart des cas dans les années soixante-dix par de jeunes pratiquants tant pour conserver une vie chrétienne que pour restaurer ces petites édifices religieux. « L’attachement de la population à ces lieux est
encore forte même si se pose le problème du renouvellement des groupes de volontaires par les nouvelles générations moins motivées » fait remarquer Le Stang.
Quoi qu’il en soit, la dimension culturelle est fondamentale, les pardons permettent de valoriser et de conserver le patrimoine religieux, tout particulièrement les petites chapelles.
Les visiteurs veulent comprendre la signification de ces lieux spéciaux, il existe une véritable exigence culturelle que les chrétiens locaux veulent honorer.
Aujourd’hui en Bretagne l’Eglise veut privilégier non tant les traditions liées au folklore mais bien plus une action pastorale afin de répandre l’Evangile et de vivre une expérience de communion devant le mystère de la foi. D’ailleurs de nombreuses personnes ne fréquentant pas obligatoirement la messe dominicale participent à ces pardons : voisins, familles qui se rendent en Bretagne pour les vacances, pèlerins. « Les pardons sont sans aucun doute des journées de fêtes et de communion, mais aussi et surtout des journées marquées par les processions de prière et par l’Eucharistie. Ces dernières sont des expériences paroissiales mais aussi missionnaires » insiste le père Gérard. En outre, elles représentent une occasion de collaboration avec les membres d’associations culturelles, avec la municipalité à qui appartient l’édifice et parfois aussi avec les commerçants. Le Guével quant àlui définit le pardon comme « un rare et précieux moment d’échange entre pratiquants assidus, personnes fréquentant la messe de manière occasionnelle et qui ne sont pas du tout croyants ».
Aujourd’hui la contribution de la tradition du pardon à l’évangélisation et à la vie missionnaire se révèle indiscutable – commente le père Jean-Yves – « et les diocèses cherchent à encourager le plus possible leur maintien à travers le renouvellement des groupes responsables et la diversification de l’offre spirituelle et liturgique, et de manière plus générale le développement de la vie dans les chapelles avec l’élargissement des horaires d’ouverture ».
Cet été toutefois, les organisateurs ont dû faire face à la crise du coronavirus. Bien des chapelles sont trop exigües pour permettre une distanciation entre les fidèles qui souvent se rassemblent en grand nombre en ces occasions ; voilà pourquoi il a été décidé de célébrer la messe en plein air, même si parfois il est nécessaire de résister au célèbre crachin breton.
D’autres sites plus petits ont préféré annuler toutes les célébrations ou les renvoyer dans le temps. S’adapter à l’émergence Covid 19 s’est révélé au contraire moins compliqué dans les grands sanctuaires. A Sainte-Anne d’Auray, le nombre des messes a été multiplié par cinq afin de pouvoir réduire le nombre des participants grâce à une inscription en ligne obligatoire. Malheureusement le caractère populaire de la manifestation s’est perdu parce que certains fidèles ne sont pas nécessairement à l’aise avec les inscriptions en ligne tandis que de nombreuses personnes son venues en grand nombre de l’extérieur Un petit sacrifice qui toutefois a permis au recteur, père Gwenaël Maurey, de célébrer comme chaque
26 juillet le grand rassemblement diocésain.

Délibérément optimiste à propos du sanctuaire de Notre Dame du Folgoët, le père Gérard le Stang se réjouit quant à lui de la récente autorisation de la préfecture pour le traditionnel grand pardon début septembre qui se déroule toujours le samedi et le dimanche précédant la fête de la nativité de la Bienheureuse Vierge Marie (8 septembre ). Peu de changements par rapport au programme habituel, mais ferveur et tradition intactes pour cette célébration, ilot de sérénité à quelques jours de la reprise de l’activité professionnelle et scolaire.

Le Pardon- Documents de référence

De nombreux chercheurs, universitaires , journalistes ont écrit sur l’histoire de Bretagne et des religions. Des membres de l’Église ont participé au renouveau des Pardons en Bretagne. Nous listons ci-dessous une liste de documents qui nous ont aidé à rédiger les articles ci-dessus

  • Le Pardon selon les 4 grandes religions » par Frédérique Odasso dans le revue Notre Temps du 18/09/2019. F.O. analyse le fondement du pardon et sa pratique dans les religions chrétienne, juive, boudhiste et musulmane pour aider à s’affranchir des idées reçues.
  •  Du Sacré » par Alphonse Dupront (Gallimard-1987). Ce livre, fortement documenté, plonge dans les racines de l’aventure spirituelle de l’Europe au travers des croisades et pèlerinages
  • « Le bureau des âmes » par Arnaud Fossier (École française d’Athènes et de Rome-2018). A.F. a mené une enquête approfondie sur la Pénitenntierie, née à Rome au début du XIIIème siècle
  • « Au pays des pardons » par Anatole Le Braz (1894). Les traditions bretonnes ont toujours fasciné ALB et il leur a consacré un nombre d’écrits importants
  • « l’origine des Pardons » par Minihi-levenez, présidée par Job An Irien. Cette association est le Centre spirituel bretonnant du Diocèse de Quimper et Léon. Sa contribution au renouveau des Pardons dans le diocèse est majeure.
  • « La Foi de mes Pères, ce qui restera de la chrétienté bretonne » par P.Y.Le Priol (2018). Ce livre a reçu le Grand Prix catholique de littérature. PYP est allé chercher le lien entre la pratique religieuse d’antan et la Bretagne d’aujourd’hui.
  • « Sur les chemins des pardons et pèlerinages en Bretagne » par Bernard Rio (Ed. Ouest-France 2ème édition 2019) pour retrouver les repères du sacré dans la vie rurale et son riche patrimoine au travers des chapelles, randonnées, « Tro-Breiz ».
  • « la Fête et le sacré. Pardons et pèlerinages en Bretagne aux XVIIèmes et XVIIIèmes siécles »par Georges Provost (éd. Albert,1998) Enquête très documentée qui remet en cause des idées reçues; la thèse de G.P suit un cheminement historique pour nous conduire des croisades auxs Pardons d’aujourd’hui en analysant les rapports sociaux et religieux dans cette constante évolution.Une contribution essentielle à la compréhension des transformations sociétales et religieuses.
  • « Histoire de Bretagne : Église, religion, croyances du Moyen-Age à nos jours » par Frédéric Morvan (2018). Ouvrage de l’Encyclopédie de Bretagne sous la direction de F.M., ce volume est consacré au rôle de l’Église en Bretagne des débuts du christianisme à nos jours.
  • « Culture et tradition » de la Revue Sciences humaines (mars-avril-mai 2002). Dans cet article, l’auteur explique qu’une tradition est un savoir hérité du passé, et surtout une pratique présente portée par des valeurs et des symboles